Dans un premier temps, Les cavités pourrait se lire et se définir comme un conte cruel, avec sa kyrielle de personnages inquiétants : l’Affreux, le Père, la Mère, la Sœur, puis les Sœurs, les Méchants, l’Absent… et ses noms de lieux mystérieux – sans doute pas étrangers à la formation d’architecte de l’autrice – : le Temple, la grotte, la coursive, les « cavités en arrêté de péril », les portes et leurs clés tour à tour rouillées, « perdues et jamais retrouvées », les portes qui résistent, se ferment l’une après l’autre… Tout semble en place pour un conte pour adultes sur une enfance traumatique.
Mais la langue de Laure Samama, en mêlant l’intime à l’universel et en utilisant les registres du langage contemporain, retourne les codes du conte pour nous livrer un long poème qui n’hésite pas à s’emparer de la brutalité et de la crudité de certains types de discours, celui de la Mère, à la passivité coupable, celui des Méchants, vulgaires et violents – « des voix me prennent les cavités ». Toutes ces voix stridentes, que la narratrice tente de mettre à l’écart, expriment les assignations de la société, ce qu’on nous rabâche et qui nous empêche…